Sur un petit carnet, posé sur la table de l’atelier de Laure Fissore, on peut y lire un titre sobre à l’écriture élégante, « Café Chronique », rehaussé d’un fin crayonné. La dernière édition numérotée de l’artiste monégasque puise son inspiration dans les rues de Monaco, et conte en images l’histoire de ces hommes et de ces femmes, de ces rues et de ces lieux qu’elle croise chaque jour. Rencontre inspirante avec Laure Fissore.
« D’aussi loin que je m’en souvienne, j’ai toujours aimé dessiner », débute Laure Fissore, le regard à la fois timide et pétillant. Laure se souvient de ses journées d’enfance dans l’appartement familial. Alors qu’elle savait à peine parler, elle animait déjà des feuilles blanches avec ses crayons de couleur sous les yeux amusés de ses parents. « J’ai eu de la chance d’avoir une famille qui m’a toujours soutenue dans cette passion » mais aussi celle de rencontrer Spencer Hodge, peintre animalier longtemps installé en Principauté, qui l'a prise sous son aile et lui a énormément appris.
Alors âgée de 12 ans, Laure et sa famille quittent Monaco pour s’installer à Rome. La cité éternelle devient un fabuleux terrain de jeu pour la jeune Laure qui y puise son inspiration. « J’y ai grandi et passé toute mon adolescence, des années déterminantes pendant lesquelles on se construit et on forge son caractère ». Laure y a aussi forgé son âme d’artiste. Carnet à la main, elle parcourt la ville et croque monuments, fontaines, ou ruelles au détour desquelles 3000 ans d’histoire s’animent sous ses yeux.
Après le baccalauréat, elle quitte l’Italie et entre à l’École Nationale des Arts Décoratifs de Paris. Elle se spécialise dans l’image imprimée et y apprend les différentes techniques d’illustration. Fascinée par cette effervescence parisienne, elle esquisse de nombreuses scènes de vie sur ses fameux carnets. Ces années d’études la conduisent
en Chine à Hangzhou pour parfaire son apprentissage. « Je suis partie pour faire de la gravure sur bois, et j’y ai découvert des techniques spécifiques et de nouveaux modes d’impression à partir d’encre à l’eau sur des papiers que l'on appelle ici papiers de riz, mais qui n'ont en fait rien à voir avec cette céréale ! Ils sont très fins, souvent artisanaux, fabriqués à partir d'écorce de mûrier, de bambou, de chiffon... il y a donc une immense variété. Je suis tombée amoureuse de ces papiers. C’était à la fois déstabilisant et passionnant car tout est radicalement différent. Il faut tout réapprendre ».
Si les voyages forment la jeunesse, celle de Laure a été bercée par une variété de paysages et de villes merveilleuses. « J’ai eu la chance de beaucoup voyager et j’ai toujours aimé transcrire les vibrations des lieux, leur atmosphère singulière au travers de mes dessins ». En 2009, elle est lauréate du concours de carnets de voyage du quotidien Libération qui publie l’intégralité de ses Carnets d’Arménie. Puis l’année suivante, c’est au tour de ses Carnets de Sibérie d’être à l’honneur pour la sortie du premier numéro du magazine A/R. Bien d’autres oeuvres seront éditées. Diplômée, elle travaille alors en tant qu’illustratrice aux côtés des Éditions Nomade. Elle publie l'album New York et collabore à Portugal de Julie Sarperi.
De Paris à Monaco, chacune de ses expositions transporte le visiteur au cœur d’un univers où le quotidien devient artistique, où la nature humaine est questionnée pour livrer les secrets de son âme. Ces âmes, Laure Fissore tente d’en extraire toute leur beauté au travers de chacun des portraits qu’elle interroge comme sa série Grands Portraits réalisée à l’aquarelle sur papier chinois publiée dans l’ouvrage À l’Est en 2013. En 2015, dans le cadre d’une exposition à la galerie Monaco Fine Art, Laure Fissore livre une très belle version de ses Impressions about Irkutsk au travers d’un dialogue de son travail avec celui du photographe Nick Danziger. La photographie fait écho à la peinture autour d’une troublante complémentarité.
En 2015, de retour en Principauté, Laure Fissore fait sa rentrée à l’École Supérieure d’Arts Plastiques - Pavillon Bosio en tant que professeur de dessin et de peinture. « C’est une expérience fabuleuse, qui me permet de transmettre et de partager ma passion avec des élèves très attentifs. C’est très beau de voir à quel point le dessin peut apporter aux gens. Humainement, c’est formidable et convivial. Ce sont des passionnés passionnants », ajoute Laure en riant.
Sur les murs immaculés de son atelier, des travaux à la gouache et acrylique grands formats nous interpellent. Une succession de roches et de cailloux se font face. « C’est un sujet étonnant, un caillou est quasiment abstrait, il y en a de toutes les formes et de toutes les couleurs, on revient à quelque chose de très primaire autour des masses, des volumes et des valeurs. C'est un jeu de matière fascinant ». Inspirée par les paysages sauvages du Mercantour, ses roches et cailloux, Laure Fissore explore depuis quelques années ce nouveau thème.
À la question « avez-vous d’autres passions ? », Laure répond avec beaucoup d’humour « J’ai deux enfants, d’un an et demi et quatre ans, qui sont des sujets d’étude très intéressants et très prenants ! ». Aujourd’hui, la jeune artiste et maman de 29 ans partage son temps entre son art et l’éducation de ses enfants et ne se lasse jamais de voir son aînée, feutres en main, dessiner à son tour sur des petits carnets…
Hier et aujourd’hui encore, de nombreux illustrateurs, comme Laure Fissore, se sont laissés portés par le charme singulier de la Principauté. Deux frères ont aussi conté en leur temps sa fabuleuse histoire en images… (à découvrir dans la rubrique Patrimoine)