Du nouveau sous le soleil , l’invention de la plage à Monaco
#61 - Juillet / Septembre 2019 - Patrimoine

Du nouveau sous le soleil , l’invention de la plage à Monaco

Villégiature estivale par excellence, Monaco est une escale hors du temps qui fait rêver le monde entier ! Si le Rocher était prisé en hiver par l’aristocratie européenne au début du siècle dernier, ses rivages furent cependant longtemps désertés l’été…

 

Des curistes aux touristes

La fabuleuse aventure des bains en Principauté débute par la création de la Société des Bains de Monaco en 1856. Ce grand projet a pour vocation d’attirer de nouveaux visiteurs, les curistes, en leur offrant, dans un cadre privilégié, des soins hydrothérapiques. En 1860, le prestigieux établissement ouvre ses portes et dans le Port de Monaco, les curistes profitent, en hiver, d’une mer « fraîche » et « vivifiante » et d’une baie où l’atmosphère singulière est portée par « ses essences, ses arômes « de thym, lauriers, myrtes, pins… » ». Il inaugure la tradition des soins thermaux qui évolueront au travers du temps notamment sous l’égide de la Société anonyme des Bains de Mer et du Cercle des Étrangers qui obtient en 1863, pour cinquante ans, la concession du casino et des bains.

Mais, alors que les développements du quartier de Monte-Carlo autour de son majestueux Casino, ses nombreux divertissements, ses sublimes jardins et du prestigieux Hôtel de Paris, attirent des curistes toujours plus nombreux l’hiver, une autre effervescence se fait sentir l’été aux abords des plages de Monaco. « La baignade loisir » s’installe peu à peu sur ses rivages et dès 1880, le Maire de Monaco doit réglementer la tenue vestimentaire de ces nouveaux baigneurs « du Tenao, des Moulins et du Canton ». Rebaptisés en 1895 Thermes Valentia, les « bains de mer de Monaco » se spécialisent et se modernisent tandis que Monaco est sur le point d’inventer une deuxième saison, la saison d’été.

Le début des saisons estivales… en Principauté ! 

La grande victoire du bain loisir sur le bain thérapeutique retentit lors de la création des « Bains du Larvotto » par la Société des Bains de Mer en 1904, la même année où les Thermes Valentia ferment leurs portes pour céder la place aux travaux du Port. La nouvelle plage aménagée du Larvotto est « surveillée par un employé » et les estivants peuvent s’y rendre depuis l’Hôtel de Paris par tramway. Au début des années 1920, la critique, peut-être un peu envieuse, reste très acerbe contre ces « chairs brûlées et cheveux décolorés » qui profitent, un peu dénudées, des plages de sable. 

Il faudra attendre la présence américaine suite à la Grande Guerre pour bousculer les vieilles mentalités européennes ! Outre-Atlantique, on ne tarit pas d’éloge sur la French Riviera, son charme et sa douceur de vivre estivale. La littérature américaine dévoile les plaisirs de la plage et quelques françaises, Colette et Coco Chanel, contribuent à sa popularité légendaire. « La mer n’a désormais plus qu’une saison : l’été ! ». L’entre-deux-guerres fait entrer dans les moeurs la baignade plaisir à la plage, et c’est une autre américaine, Elsa Maxwell, têtue et audacieuse, qui scellera définitivement les grandes heures de gloire des saisons estivales à Monaco. 

Elsa Maxwell, ambassadrice de la mode des bains de mer en été

Le décor merveilleux de l’anse de la Vigie est le lieu idéal pour accueillir les baigneurs fortunés venus profiter de la douceur et la légèreté des années folles. Le Monte-Carlo Beach, joyau des saisons estivales devient le symbole de cette « révolution culturelle » où désormais, la clientèle de happy few s’est réconciliée avec le soleil. Véritable « RP » avant l’heure et organisatrice des soirées mondaines les plus prisées, la journaliste Elsa Maxwell se voit confiée par l’administrateur de la Société des Bains de Mer, René Léon, la promotion de l’Hôtel. Elle entend bien en faire le fleuron de la Méditerranée et le lieu de rendez-vous incontournable de tout le gotha artistique, culturel et social de l’époque. Pari réussi le 16 juillet 1928, où l’extravagance est venue flirter avec la démesure pour l’inauguration de ce lieu aujourd’hui mythique. Le monde entier parle de l’effervescente fête monégasque et de son décor magique : Monaco devient une destination d’été peu avant… Saint-Tropez ! 

Monte-Carlo, « Cité de la mer » : une renommée internationale

En 1931, de nouveaux équipements balnéaires et nautiques au Larvotto font le bonheur des estivants venus profiter des joies de la plage et répondent ainsi à une demande toujours plus forte. Désormais, en journée, le ski nautique, et autres sports aquatiques animent la Méditerranée. Cette année-là, le Sporting d’été ouvre ses portes et propose de fabuleux spectacles nocturnes clôturés par un feu d’artifice. 

La saison d’été à Monaco est magique  ! Les clichés d’époque en noir et blanc reflètent l’insouciance et la joie des bains. Ils content avec délice les journées d’été à la plage du Larvotto, où les baigneurs venus nombreux profitent des installations et des cabines spécialement aménagées. La vie à la plage s’anime autour des jeux de ballons et des pin-up en bikinis qui s’abritent sous les parasols allongées sur leur bain de soleil en bois aux tissus colorés et rayés. Après la plage, on vient se balader sur la nouvelle route côtière construite face à la mer où, à l’ombre des palmiers, des « souks », petites boutiques, offrent une détente shopping exotique, tandis que petits et grands peuvent profiter d’un tour amusant dans le petit train du Monte-Carlo Beach. Comme le rappelle Alain Callais, la création du Monte-Carlo d’été et sa cité de la mer place la Principauté au rang convoité de « première station estivale d’Europe ». C’est certainement à ce titre que Monaco accueille en 1947 dans la piscine olympique du Monte-Carlo Beach, les VIe Championnats d’Europe de natation.

Depuis, sur les plages du Larvotto se sont succédé des générations de familles d’ici ou d’ailleurs venues profiter d’une baignade d’exception à Monaco. Résolument tourné vers l’avenir, ce quartier est à l’image de la Principauté. Le fabuleux projet d’extension en mer témoigne de cette éternelle soif d’imaginer l’avenir et de réinventer avec lui les saisons d’été… 

 

 

 

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