L’histoire de Monaco s’anime en couleurs. Mais cette fois-ci, ce n’est pas sur grand écran. C’est Richard Projetti qui la conte au travers de ses aventures en Principauté, animées par la radio, la musique et le cinéma. Trois passions, pour de nombreux projets. Découverte.
Né en été 1946 à Monaco dans une famille à l’âme d’artistes, Richard Projetti est bercé par les airs d’opéra interprétés par ses parents dès sa plus tendre enfance. Son grand-père, souvent présent dans la maison familiale, lui racontait ses souvenirs de travail. « Il était régisseur aux Studios de la Victorine à Nice et aimait partager sa passion cinématographique. Ma mère avait d’ailleurs été coiffeuse pour le film mythique Les Visiteurs du soir de Marcel Carné ». De ces jeunes années, Richard puisera ses passions pour la musique et le cinéma.
Après ses études, Richard intègre en 1965 Radio Monte-Carlo. Ce qui ne devait être qu’un stage temporaire devient son métier : il rejoint la discothèque. Sous-marin discret, la discothèque était un lieu où Richard enrichissait sa connaissance musicale et aimait à découvrir de nouveaux succès. « C’était une expérience fabuleuse, pouvoir programmer des disques, les sélectionner et ensuite les entendre à l’antenne fut toujours un bel émerveillement ! » remarque Richard qui ajoute avec un brin de nostalgie : « C’était une autre époque, on allait travailler, et on ne regardait pas nos heures. Il y régnait une ambiance incroyable et aujourd’hui encore j’ai le sentiment d’appartenir à une grande famille ». Cette famille de cœur fut bouleversée par l’arrivée de grands noms de la radio comme Jean-Michel Desjeunes, suivi par Pierre Lescure en 1967, « véritable coup de fouet à l’antenne avec son émission Radio-Caroline ». Fidèle à son surnom, la Radio du soleil connaît des années lumineuses. Les grandes voix de la Radio marquent alors ses plus belles années de Jean-Pierre Foucault à Julien Lepers. Son plus beau souvenir ? Sans aucune hésitation, Richard répond avec un regard pétillant « Ma rencontre avec Zappy Max lors du tournage du documentaire Radio Monte Carlo, « La Légende » ! Il animait le Quitte ou double et beaucoup d’autres émissions. J’étais très ému de le rencontrer. Aujourd’hui, il a un peu plus de 96 printemps et je peux vous dire qu’il reste toujours une légende. Il avait fait ses débuts dans le music-hall comme chanteur aux côtés de Ray Ventura ».
En dehors de ses heures de travail, Richard Projetti mêle aussi radio, musique et photographie. À l’origine de la création du club photo à la Maison des Jeunes de Monaco, Richard est guitariste dans un orchestre, les Outlaws, aux côtés du bassiste, chanteur et leader du groupe Richard Lord. « C’était une période incroyable, avec l’avènement des Beatles que nous avions vus à Nice et ce nouveau mouvement musical venu d’outre-Manche » se souvient Richard. « Nous avons animé deux ou trois croisières sur le Raffaello, et quelques soirées privées. Mais l’une d’entre-elles reste bien évidemment gravée dans ma mémoire. Celle à bord d’un yacht privé où parmi les hôtes, le Prince Rainier et Grace Kelly étaient présents aux côtés de Cary Grant ». Richard se souvient d’une drôle d’époque pour la musique, qui suit la libéralisation des mœurs et avec elle des concerts parfois épiques ! « Nous avons fait la première partie d’Antoine à Brignoles en 1967. Le public l’attendait avec des tomates » souligne Richard amusé pour ajouter « vous comprenez, à l’époque, deux générations se confrontaient ».
À la fin des années 80, beaucoup quittent l’antenne historique du boulevard Princesse Charlotte pour la chaîne parisienne Canal +. Richard Projetti démarre alors une nouvelle aventure qu’il préparait depuis huit ans. En 1988, il lance un spectacle audiovisuel inédit en Principauté : « Monte-Carlo Story » qui enchante pendant plus de 26 ans les terrasses du parking des pêcheurs, devenu un lieu mythique pour beaucoup. « L’aventure a commencé lors d’un voyage à Londres. Sur un écran géant de Picadilly, l’histoire de la ville s’animait en couleurs devant des milliers de spectateurs. New York avait lancé le même concept. J’ai ainsi eu l’idée de créer un spectacle inédit contant l’histoire des Princes et des Princesses de Monaco ». La salle de projection vivra de grands moments, faits de débats passionnants mais également de merveilleuses rencontres. « La petite fille de Georges Méliès est venue nous rendre visite après la projection d’une œuvre de son père, le Raid Paris Monte-Carlo (1905). Pierre Granier-Deferre était venu dévoiler quelques secrets de tournage du Chat avec Alain Delon et Simone Signoret suite à la projection d’une merveille du cinéma français, Le Petit Garçon de l’ascenseur tourné en partie à l’hôtel Hermitage. Vincent Fernandel, petit-fils du célèbre acteur, était venu pour animer les débats lors de la présentation du Film «Adhémar ou le jouet de la fatalité». C’était la grande époque ! ». Richard Projetti les connaît presque par cœur, et est intarissable lorsqu’il s’agit d’évoquer les 250 à 280 films tournés à Monaco. Difficile pour lui de n’en choisir qu’une lorsqu’on lui demande son œuvre préférée. « Erich von Stroheim ». Le nom ne sonne pas très d’ici mais le scénariste, réalisateur et écrivain américain a reconstitué la place du Casino de Monte-Carlo dans un studio d’Hollywood pour les besoins de son film Folie de Femme (1921). « J’ai aussi été la cheville ouvrière de L’Odyssée Impériale en 2001 dans le cadre du Printemps des Arts projection du film d’Abel Gance Napoléon en présence de l’Orchestre Philharmonique de Monte-Carlo sous la direction de Laurent Petitgirard, Musique d’Arthur Honegger et Marius Constant. En 2004, même programme cette fois-ci à l’Opéra Bastille ! A cette occasion j’ai donc pu faire la connaissance de la fille d’Arthur Honegger ainsi que de Nelly Kaplan » ajoute Richard Projetti. Un regret ? Ne pas avoir réussi à rencontrer Spielberg !
Au début des années 2000, Richard Projetti se lance un nouveau défi : réadapter Tintin en langue monégasque avec le concours des deux traductrices : Dominique Salvo-Cellario et Eliane Mollo. Un premier ouvrage Tintin I Ori d’A Castafiore voit le jour en 2010, suivi par U Secretu d’A Licorna, le 26 octobre de l’année suivante, le jour même de sa sortie sur grand écran de l’ouvrage revisité par Spielberg… U Tesoru de Rakamu u Russu clôture la série.
Aujourd’hui Richard Projetti partage sa vie entre le Rocher et Paris où, près de ses petits-enfants, il aime flâner dans les bibliothèques de la capitale, s’enrichir de ses rencontres, et souvent par hasard se fait rattraper par ses années RMC. « Hier, j’étais dans un café, et à la table d’à côté se trouvait le journaliste Jean-Claude Bourret. RMC a été le fleuron des grands noms du journalisme. On sent toujours ce grand esprit de famille ! C’est phénoménal ! » indique-t-il amusé. Les nouveaux projets, eux aussi, ne sont jamais très loin. Richard travaille actuellement sur Léo Ferré, qui a été régisseur chez RMC pendant quelques mois, et constitue un important travail d’archives sur les studios de la Victorine et sur la carrière d’Aimé Barelli qui a formé de grands musiciens des années fastes du Sporting Monte-Carlo. À suivre…