Les femmes au Conseil Communal
#64 - Mars / Juin 2020 - Patrimoine

Les femmes au Conseil Communal

Encore absentes de la vie politique monégasque au début du siècle dernier, les femmes sont aujourd’hui aussi nombreuses que les hommes au Conseil Communal. Cette évolution, à l’image des changements sociaux et de mœurs qui ont accompagné l’après-guerre en Europe, a permis de féminiser la politique en Principauté de manière progressive et apaisée. 

 

Petit historique de l’accession des femmes en politique

Nous sommes en 1945. Les femmes monégasques obtiennent le droit de vote et d’éligibilité, mais uniquement aux élections communales. Si leurs voisines françaises, qui avait obtenu le droit de vote en 1944, ont certainement contribué à insuffler ce vent de modernité, il leur faudra attendre encore dix-sept années pour pouvoir participer et accéder au scrutin national, et ce malgré la revendication de ce droit dès 1958. La raison ? La contrainte d’une révision constitutionnelle et certainement, l’influence d’une société méditerranéenne où le patriarcat était encore fortement marqué. Le 17 décembre 1962, en Salle du Trône, le Prince Rainier III officialise ce moment d’histoire déclarant que désormais « les femmes accèdent à la pleine égalité politique avec les hommes ». 

1955, une femme au Conseil Communal

Aux élections communales de 1955, pour la première fois de l’histoire de la Principauté, une femme est élue. Roxane Notari, fille de Louis Notari, marche sur les traces de son père et s’engage en politique au sein d’une nouvelle équipe autour de Robert Boisson. Roxane Notari participe à de nombreuses commissions municipales comme celles de l’école d’art décoratif, des fêtes, des questions sociales, des jardins, des colonies scolaires ou encore de la bibliothèque communale qui portera quelques années plus tard le nom de son père. Au sein de cette mandature, elle sera « chargée de mettre sur pied l’organisation d’un nouveau projet communal : l’arbre de Noël ». Restant presque 10 ans la seule femme du Conseil Communal, il faudra attendre 1963 pour que Roxane Noat Notari soit rejointe par Germaine Sangiorgio. En 1963, Roxane Noat Notari quitte ses prérogatives municipales et devient la première femme élue au Conseil National. 

À partir des années 1970, le nombre de femmes au Conseil Communal se renforce. Les femmes sont également de plus en plus présentes à des postes clés de l’Administration et leur accession au travail se démocratise. Par exemple, en 1971, Marie-Thérèse Marquet, aux côtés de Christiane Olivie, est élue mais devra démissionner en 1973 en raison « de l’incompatibilité existant entre le mandat municipal et le poste d’Attaché Principal du Département de l’Intérieur qui vient de lui être attribué par décision du Conseil du Gouvernement ». 

1979, une femme est Adjoint au Maire
 

L’année 1979 marque un nouveau tournant. Aux côtés de Maryse Barriera et Michèle Sangiorgio, conseillers communaux, Jacqueline Bianchi est élue Quatrième Adjoint au Maire. À l’issue de l’annonce des votes par le Maire Jean-Louis Médecin en Séance Publique, Jacqueline Bianchi soulignera ce moment historique par ces quelques mots : « ce choix est aussi un grand honneur que vous me faites puisque, pour la première fois, une femme devient Adjoint au Maire ».

Anne-Marie Campora, première femme Maire de Monaco

Élue au Conseil Communal dès 1983, Anne-Marie Campora restera l’une des grandes figures féminines de la Mairie de Monaco. En 1991, elle remporte les élections et devient la première femme Maire de l’histoire de la Principauté. Pendant plus de vingt ans dont douze en qualité de Maire, Anne-Marie Campora a œuvré pour moderniser et développer les Services Communaux. Particulièrement attachée au domaine Social, Anne-Marie Campora a su mettre sa ténacité et son niveau d’exigence au service de son développement en créant de nombreux services à la personne comme la téléalarme ou encore la distribution des repas à domicile. Attentive aussi aux besoins des familles, elle crée la Halte Garderie, le Mini-Club et en 1997 la Crèche de Monte-Carlo. Elle a su insuffler un vent de modernité aux animations municipales avec l’un de ses projets phares, notamment, le Village de Noël, inauguré en 2000. Difficile de dresser la liste de ses nombreuses réalisations parmi lesquelles on peut citer la Sonothèque José Notari et la vidéothèque à la Villa Lamartine ou encore la relance du traditionnel Cavagnëtu. Lors de sa disparition en novembre 2015, le Maire Georges Marsan a rappelé le charisme sans pareil d’une grande dame qui a marqué par son style unique et sa détermination la Mairie de Monaco. Anne-Marie Campora « fut un modèle par son tempérament, sa ténacité, sa force de caractère, son style, son art de gérer la ville, qui ont indéniablement influencé la génération politique montante ». 

Des années 90 aux années 2000 : vers la parité

Dans les années 90, la féminisation se poursuit en Mairie : aux élections de 1995, Nathalie Aureglia-Caruso, Claudine Bima, et Christiane Vanucci rejoignent l’équipe d’Anne-Marie Campora. En 2003, sous la mandature du Maire Georges Marsan, les femmes n’ont jamais été si nombreuses: Nathalie Aureglia-Caruso, Premier Adjoint, et Claudine Bima, sont rejointes par Camille Svara, Nadia Sanmori-Gwozdz et Agnès Gaziello-Rati. Entre 2007 et 2011, quatre figures féminines, Camille Svara, Marjorie Crovetto Harroch, Françoise Gamerdinger, et Claire-Lise Schroeter siègeront également au Conseil Communal. En 2019, soit près de 65 ans après l’élection d’une femme au Conseil, la parité est atteinte pour la première fois. Aux côtés du Maire Georges Marsan, 7 hommes et 7 femmes sont élus pour une nouvelle mandature parmi lesquelles Camille Svara, 1er adjoint, Marjorie Crovetto Harroch, 2e adjoint, Françoise Gamerdinger, 3e adjoint, Chloé Boscagli Leclercq, 7e adjoint, Axelle Amalberti Verdino, 8e adjoint, Karyn Ardisson Salopek, 10e adjoint et Mélanie Flachaire, conseiller communal. Il s’agit de la première mandature respectant la parité et offrant les trois premiers sièges à des femmes. La Mairie de Monaco attache un soin tout particulier à préserver et garantir cette équité politique qui s’est ainsi affirmée sur de nombreuses années. Si comme le disait Aragon « la femme est l’avenir de l’homme », en Principauté, nombre d’entre elles œuvrent chaque jour pour imaginer l’avenir 

Cet article a été écrit en collaboration avec Dominique Bon, Responsable du Fonds Régional de la Médiathèque de Monaco

3 questions à Nicole Manzone-Saquet, Présidente de l’Union des Femmes Monégasques

Présidente de l’Union des Femmes Monégasques depuis 1998, Nicole Manzone-Saquet fut pendant près de 30 ans Chef du Service de l’État Civil de la Mairie de Monaco. Figure emblématique de la défense des droits des femmes en Principauté, elle revient sur cette évolution, lente mais pacifiste de la place des femmes dans la société monégasque.

Pourquoi tant d’années se sont écoulées entre la possibilité pour une femme de se présenter au Conseil Communal et celle de se présenter au niveau national ?

En 1945, la femme dépendait entièrement de son mari dans une société où le patriarcat était absolu. Elle devait demander l’autorisation de son mari pour travailler ou avoir un passeport. Il a donc fallu attendre une révision constitutionnelle mais aussi et surtout une évolution des mœurs et des mentalités sur la place de la femme dans la société.

En tant que responsable du Service de l’État Civil de la Mairie de Monaco, qu’avez-vous constaté sur l’évolution des femmes dans la société pendant cette période ?

Je suis entrée à la Mairie de Monaco le 16 mars 1965, et je l’ai quittée en 1998. Au cours de plus de trente années, j’ai pu constater beaucoup d’évolution, notamment autour de la question de la transmission de la nationalité. Il fut un temps où la transmission ne pouvait se faire que par le père, et, grâce à l’action de trois femmes, Mesdames Costa-Detaille, Zilliox-Fontana et Ferraro-Campana, les femmes ont pu obtenir le droit de transmettre la nationalité par la loi de 1962. Puis, il y a eu un véritable marché autour du mariage et de la nationalité car la transmission était sans aucune condition, c’était le cas lorsque je suis arrivée à l’État Civil… il était alors nécessaire de légiférer, et dans ce contexte, j’ai été rapporteur de la dernière loi sur la nationalité qui a fait passer la condition de mariage de 5 ans à 10 ans pour son obtention. Lorsque l’on travaille à l’État Civil, nous sommes au cœur de l’évolution des mœurs et des mentalités, nous ne faisons pas que la constater, nous la vivons chaque jour. Il faut alors savoir s’adapter et adapter les lois en fonction de ces évolutions. La Mairie de Monaco est ma deuxième famille, j’ai quitté mon service avec beaucoup de nostalgie. À l’État Civil, nous ne travaillons pas seulement au sein d’un service administratif. Nous avons aussi un rôle social, qui demande une proximité avec les gens et une approche profondément humaine. Avec mes filles [son équipe], comme je les appelais (rire), nous ne comptions pas notre temps. C’était fondamental pour moi d’avoir cette approche de proximité, tant avec mon équipe qu’avec les usagers.

Aujourd’hui, il y a la parité au sein du Conseil Communal. Qu’est-ce que cela représente pour vous?

C’est une très belle chose, et le symbole d’une longue évolution. J’ai eu l’immense plaisir de travailler aux côtés d’Anne-Marie Campora, et j’ai pu constater que si elle avait des idées très arrêtées, elle réagissait comme une femme et donc avec une vision différente sur certains sujets. Je ne suis pas féministe mais je suis convaincue que cette parité au sein du Conseil Communal est efficace. Un homme et une femme ne voient pas les choses de la même façon. C’est un double regard sur la chose publique qui est aujourd’hui permis, un regard équilibré, et très complémentaire.

Les femmes au Conseil Communal

Anne-Marie Campora, 1ère femme élue Maire en 1991
Les femmes au Conseil Communal

Conseil Communal 1955
Les femmes au Conseil Communal

Nicole Manzone-Saquet

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