Le terrain Radziwill - Un espace omnisports au cœur de la Condamine
#68 - mai/juin 2021 - Patrimoine

Le terrain Radziwill - Un espace omnisports au cœur de la Condamine

Au cœur de Monaco, derrière le port, un terrain presque oublié a accueilli pendant des décennies de grands évènements en Principauté sous le Règne du Prince Albert Ier. Le terrain Radziwill, situé jadis où s’élèvent aujourd’hui le Palais Héraclès, le Centre Administratif et la Bibliothèque Louis Notari, a longtemps vibré au rythme des exploits sportifs de grands champions de l’époque. Découverte. 

Les années 1900 : l’Etoile de Monaco investit le terrain

Au début des années 1900, les athlètes de la « Société de Gymnastique, l’Etoile de Monaco » se retrouvent souvent sur le vaste terrain de la Condamine. Compétitions mais aussi fêtes associatives y sont organisées par le Club comme en novembre 1900 où une fête de bienfaisance a lieu sur le terrain Radziwill : « Cette fête populaire a été fort animée (…) les sociétaires ont défilé avec leur belle allure accoutumée et se sont rendus au terrain Radziwill, où ont commencé les exercices et jeux populaires portés au programme » (1). Ce rendez-vous semble être populaire en Principauté comme en témoigne le Journal de Monaco du 12 novembre 1901 : « La première journée de la fête populaire de bienfaisance organisée par la Société de Gymnastique l’Etoile de Monaco a eu lieu dimanche sur le terrain Radziwill à la Condamine. La kermesse, le bal d’enfants dans l’après-midi, et le grand bal du soir ont été fort animés ». Les concours font aussi la renommée du terrain, comme en octobre 1909 lorsqu’il accueille le concours international de gymnastique. 

Les premiers meetings de canots à moteur

Au début de l’année 1902, un gigantesque hangar se dresse sur le terrain Radziwill. Sa taille impressionnante, il « ne mesure pas moins de 55 mètres de haut, sur 10 mètres de large » (2), permet d’accueillir le ballon dirigeable du pionnier de l’aviation Alberto Santos-Dumont. Son emplacement ouvert sur la mer et abrité par les montagnes présente « pour les futures expériences du vainqueur du Prix Deutsch le point de départ le plus favorable qui put être rêvé » (3). Il semble alors se dessiner, sur ce terrain de la Condamine, un destin lié à l’aéronautique…

…Deux ans plus tard, en 1904, pour la première fois sur le Port, l’on peut admirer l’Exposition Internationale de Canots-automobiles présidée par le Prince Albert 1er. « Cette exposition, avec les courses qui la suivront, sera une manifestation sportive véritablement sensationnelle et aura une influence considérable sur la prospérité de l’industrie des embarcations à moteur autres que les yachts à vapeur » indique le Journal de Monaco le 15 mars 1904. « L’exposition, construite dans un style léger, est une véritable bonbonnière, où se donnera rendez-vous toute la colonie étrangère curieuse du nouveau sport maritime » (4). Cet évènement se poursuit jusque dans les années 20 et connaît un fort succès. Le terrain Radziwill ou « Stand des canots » accueillera l’exposition où les modèles rivaliseront toujours d’inventivité.

Du « stand des canots » au « stand de la Condamine », d’un bolide à d’autres…

En 1911, le terrain accueille des véhicules d’un tout autre genre ! Rebaptisé pour l’occasion « Stand de la Condamine », le vaste terre-plein est le lieu idéal pour admirer les bolides les plus inédits participant au 1er Rallye International de Monte-Carlo. Ce stand permettait de contrôler la conformité des véhicules. Parmi les belles vedettes à admirer cette année-là, « La Martiny » qui reçoit le 3e prix ! (5).

Noble art à Monaco et match de légende 

« Tout ce que la Côte d’Azur tient d’hôtes de marque se trouvait réuni autour du ring de la Condamine » (6). Dès les premières lignes de l’article sur l’événement de la « season monégasque » dans la Revue de la Riviera Illustrée, le portrait de ce match de boxe de légende est dressé. En 1912, le grand terrain de la Condamine entre dans l’histoire et accueille un combat des plus marquants de l’époque sur son sol : le match de boxe Carpentier-Sullivan en clôture des Championnats d’Europe… Une foule immense, en haleine dans les stands spécialement aménagés pour l’occasion, attend les champions tandis qu’« aux chaises de ring se tenait toute la société mondaine ». Le voix forte du speaker Max Sergy annonce le premier combat : l’anglais Sillcock contre le monégasque Sategna, qui remporte le combat. Puis un deuxième combat du français Bernstein contre l’anglais Spenceley, vainqueur de l’affrontement, fait patienter les spectateurs… Avant le duel tant attendu, la Musique de Monaco a donné un concert très apprécié. Le troisième combat est alors annoncé… Carpentier arrive sur le ring sous une ovation suivie de la Marseillaise. Puis God Save the King annonce Sullivan qui pénètre sur le ring et serre « chaleureusement les mains de son rival ». Le combat est spectaculaire et animé dès le premier round. Lors des derniers instants d’affrontement, Carpentier enchaîne un violent swing et un « formidable crochet du gauche à la mâchoire » . Le champion anglais « knock-out » est à terre et sous les applaudissements et les hourras du public enflammé, « le jeune prodige est porté en triomphe ». 

Des concours internationaux qui ont du chien ! 

En 1912, la vedette du terrain Radziwill ne ressemble à aucune autre… « Flock », un petit chien noir à poils ras reçoit sous le regard amusé des journalistes et des spectateurs le « prix d’honneur ». Sur trois jours, du 15 au 17 mars, 237 chiens de toutes races participent aux différentes épreuves des catégories luxe, compagnie… Pour la dernière journée de ce Concours international de chiens organisé par l’International Sporting Club de Monte-Carlo, le Prince Héréditaire (le futur Prince Louis II) a fait le déplacement. Ce dimanche, pour clôturer ces journées, de « très intéressantes démonstrations des exercices imposés aux chiens de défense et de police » (7) sont très appréciées et applaudies par les spectateurs. 

La grande semaine de la pelote basque… à la Condamine

Au stand de la Condamine, c’est un sport qui dénote en Principauté, qui anima le terrain en mai 1913. La « grande semaine de la pelote basque » et « ses matchs magnifiques au stand de la Condamine » (8) ont eu un franc succès. Les journaux d’époque content avec enthousiasme les joies de découvrir les champions basques et leurs coups de chistera dont le jeu captive  les nombreux spectateurs venus spécialement assister à l’évènement. 

Le tennis à Monte-Carlo 

En janvier 1920, « après avoir pendant plusieurs années élu domicile dans les jardins de la Festa », le Tennis Club de Monte-Carlo reprend ses quartiers au terrain Radziwill « là où il connut, avec les grands Concours internationaux, la vogue et le succès ». En ce début d’année, la Revue de la Riviera Illustrée y annonce une saison prometteuse avec la venue du « véritable phénomène athlétique » : Suzanne Lenglen, Championne du Monde dont la participation aux Championnats Internationaux de Monte-Carlo « assure aux réunions à venir au stand de la Condamine, un incomparable succès » (9). Les Concours de « Lawn-Tennis » débutent le 3 mars: « Les finales des différents championnats furent jouées sur les courts de la Condamine, devant une assistance considérable, où l’on remarquait toutes les notabilités de la Colonie Anglaise de Monte-Carlo, Nice, Cannes et Menton » (10).

Aujourd’hui, sur son emplacement, les souvenirs de ce terrain omnisports s’animent à la Bibliothèque Louis Notari où les visiteurs peuvent retrouver une rétrospective en noir et blanc de ses plus belles années… 

Cet article a été écrit en collaboration avec Dominique Bon, Responsable du Fonds Régional de la Médiathèque de Monaco

LE SAVIEZ-VOUS ?

Le Terrain Radziwill compte parmi les rares espaces libres de la Principauté au début du XXe siècle. Régulièrement, de grandes fêtes populaires sont organisées par les sociétés musicales monégasques telles que l’Avenir de Monaco, l’Estudiantina, la Société Philarmonique ou par la Mairie de Monaco et le Comité des Fêtes. Les sociétés sportives participent à ces festivités notamment la Société des Régates, le Sport vélocipédique et l’Étoile de Monaco. Le terrain devient peu à peu un stade par destination, comme le montre l’installation de l’aérodrome de Santos Dumont en décembre 1901. À partir de 1903, le Terrain Radziwill est loué par la Société de Bains de Mer pour une durée de six années puis acquis définitivement. Connu sous le nom de « stand des canots automobiles », il reste attaché à l’organisation des Meetings motonautiques. Le terrain fait l’objet d’une ordonnance d’expropriation pour cause d’utilité publique, il est vendu par la SBM en 1926 à une société immobilière. Le « Stand de la Condamine » évoque le passé glorieux des Princes Radziwill. Constantin Prince Radziwill se marie en 1876 avec Louise Blanc, fille de François Blanc et de Marie Hensel. Leur fils, le Prince Léon Radziwill, administrateur de la Société des Bains de Mer et vice-président de la société des courses de Nice, compte tout comme son oncle Edmond Blanc parmi les sportsmen distingués de la Belle Epoque.

Références bibliographiques

(1) Journal de Monaco, 13 novembre 1900

(2) et (3) La vie au grand air, Santos Dumont à Monaco, 26 janvier 1902

(4) (Le) Petit Monégasque, 13 mars 1904

(5) Revue de la Riviera illustrée, 5 février 1911

(6) Revue de la Riviera Illustrée, 3 mars 1912

(7) Monaco Revue, 24 mars 1912

(8) Le Petit Monégasque, 5 mai 1913

(9) Revue de la Riviera illustrée, 11 janvier 1920

(10) Revue de la Riviera illustrée, 11 avril 1920

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