Il était une fois… les marchés à Monaco
#69 - juillet/août 2021 - Patrimoine

Il était une fois… les marchés à Monaco

Parce qu’il y règne en toute saison une ambiance authentique, les marchés à Monaco ont un charme singulier qui opère instantanément et plonge les visiteurs au cœur même de la vie monégasque. À la Condamine ou à Monte-Carlo, l’accent chantant et les expressions en langue monégasque souvent utilisées par les anciens, se mêlent aux couleurs des étals. On s’y retrouve, on y fait ses courses, on y flâne de génération en génération.

Pour découvrir leur histoire, il est intéressant de retrouver les nombreux documents d’archives qui régissaient ou évoquaient leurs activités. Sur ces feuilles jaunies par le temps, précieusement conservées au Fonds Patrimonial de la Médiathèque de Monaco, on y découvre avec fascination la vie des marchés d’antan. 

Les marchés ont toujours été des lieux de vie populaire et d’échanges commerciaux. Parfois modestes, ils se développent en fonction de l’essor démographique, des conditions d’approvisionnement et des normes d’hygiène qui se développent à la fin du XIXe siècle.

Grâce à la nouvelle route du littoral qui relie Nice à Monaco depuis 1882, les maraîchers et agriculteurs de la région peuvent arriver plus facilement en Principauté pour vendre leurs marchandises sur les marchés jusqu’alors en plein air.

Les marchés couverts, symbole d’un nouveau mode de vie 

En 1894, les marchés couverts sont institués en Principauté. « Le marché qui se tenait sur la place d’Armes, à la Condamine, sera supprimé et transféré dans le marché couvert édifié par la Société des Halles et Marchés de la Principauté, à dater du samedi 24 novembre courant. Il en sera de même pour le marché de Monte-Carlo (ou des Moulins) à dater du samedi 1er décembre prochain » (Arrêté sur les Marchés du 19 novembre 1894). 

De nouveaux horaires y sont aussi définis « les marchés couverts de la Condamine et de Monte-Carlo sont ouverts tous les jours de 7 heures du matin à 6 heures du soir depuis le 1er octobre jusqu’au 1er mai et de 5 heures du matin à 7 heures du soir, depuis le 1er mai jusqu’au 1er octobre » (Journal de Monaco, novembre 1894). 

Une Ordonnance Souveraine en confie la concession à la « Société Anonyme des Halles et Marchés de la Principauté de Monaco, substituée à M. Émile-Charles Vigoureux » pour une période de « 40 ans au moins et 60 ans au plus ». L’Ordonnance est signée par le Prince Albert Ier à bord du yacht Princesse Alice à Gibraltar. Le cahier des charges de la concession d’exploitation en délimite et définit tous les aspects. Par exemple l’article XIV précise que « la moitié des employés sera choisie de préférence parmi les sujets du Prince, ou tout au moins parmi les habitants de la Principauté ».

De nouvelles normes d’hygiène et de bonne tenue… 

À cette époque, l’hygiène se développe considérablement dans les villes qui s’adaptent ainsi aux nouvelles normes. Les marchés de la Principauté suivent cette tendance européenne. Les ventes y sont strictement réglementées : il est interdit de mettre sur les étals des « fruits verts ou corrompus, de la viande, des herbages, des légumes et des champignons gâtés ou malfaisants ». Le plumage de la volaille est lui aussi encadré ! La volaille ne se plume pas au marché, ou sinon « dans des seaux ou des paniers ».

Le Règlement Intérieur des Marchés de la Principauté de Monaco de janvier 1895, rédigé par la Société Anonyme des Halles et Marchés détaille en de nombreux articles les us et coutumes désormais institués aux nouveaux marchés couverts. Finie la criée, « il est expressément défendu aux étalagistes… d’annoncer par des cris la nature ou le prix des marchandises » comme « d’aller au-devant des passants, pour leur offrir des marchandises, de leur barrer le passage ou de les tirer par les vêtements ». Ici, dans les marchés couverts « toute injure, invective ou insulte, entraînera l’expulsion des délinquants, sans préjudice des peines édictés par la loi ». En 1910, les mesures d’hygiène se renforcent avec un nouvel arrêté municipal et les chiens y sont interdits en 1919.

Le succès des marchés couverts 

À 5h du matin, un grand nombre de marchands niçois, arrivés par le premier train de Nice ou par la route, patientent souvent devant les halles en attendant l’ouverture pour étaler leurs marchandises. Tandis que les premiers clients sont aussi nombreux et matinaux devant les portes du marché. Une pétition sollicite alors une extension des horaires d’ouverture dès 1901. En novembre, le Comte Félix Gastaldi, Maire de Monaco, prend un nouvel arrêté pour répondre favorablement à cette demande : « depuis le 1er octobre, jusqu’au 1er mai, les marchés couverts de la Condamine et de Monte-Carlo seront ouverts à partir de 6 heures du matin ». Les projets d’agrandissement du marché de Monte-Carlo et de la Condamine sont évoqués dès 1899 (Journal de Monaco, 17 octobre 1899).

L’augmentation du prix des emplacements sera-t-il aussi la rançon de la gloire de cette forte fréquentation ou seulement le signe d’une évolution du coût de la vie ? En 1926, l’emplacement des cabines pour les marchandises de première catégorie est affiché à 0,85 franc alors qu’il ne coûtait que 0,40 franc en 1894. Le prix de location de toutes les places a doublé en quelques années. 

Véritables lieux de rendez-vous populaires, les marchés sont toujours très animés. Aux côtés des dames aux paniers d’osier, se pressent aussi les enfants et les badauds, souvent nombreux, venus flâner. À l’extérieur, la Musique Municipale vient y jouer quelques morceaux. La musique se mêle au décor coloré des étals et à l’odeur des produits de saison, une ambiance qui enchante aussi ces lieux tant aimés des locaux. 

Inscrits au cœur de la vie de quartier, les marchés de la Condamine et de Monte-Carlo ont su évoluer en traversant les époques. S’ils sont devenus le reflet de l’évolution des modes de vie, leur transformation, au fil des siècles, n’a pour autant jamais altéré leur singularité et leur cachet d’autrefois… 

 

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