Nicole Sabbagh, conférencière, partage ses souvenirs de famille avec le public et continue de faire revivre l’incroyable époque de son grand-père qui s’éteint en 1936. Née en 1943, elle l’a connu à travers les mots de sa maman Ginette, mais surtout de sa grand-mère Alice qui, animée jusqu’à sa mort par l’exploit de son mari, n’a cessé de rendre vivante la fabuleuse histoire de la traversée de la Manche.
« Leur histoire a commencé par un coup de foudre dans le restaurant Drouant. Mon grand-père y déjeunait chaque midi. Ma grand-mère était à Paris avec ses parents pour l’Exposition universelle de 1900. Après de nombreux mois à faire la cour à sa dame selon les bons usages de l’époque, Louis Blériot épouse Alice Védère à Bagnères-de-Bigorre d’où elle était originaire. Ils ne se quitteront plus » débute Nicole Sabbagh.
Femme aimante, Alice a toujours soutenu le jeune aviateur dans ses essais aéronautiques « Elle croyait en lui et en ses rêves, pourtant avant la traversée de la Manche leur situation était critique. Ils avaient quatre enfants, l’aîné était âgé d’à peine 7 ans et ils avaient peu d’argent. C’était un grand pari sur l’avenir ». Ce matin de juillet 1909, Alice Blériot vit la traversée de la Manche à flot, à bord de l’Escopette, guettant son mari dans les airs, accrochée à ses jumelles. Au bout de quelques minutes, le pilote sème le contre-torpilleur. Alice est inquiète. « On ne peut pas imaginer aujourd’hui ce que pouvait représenter à l’époque cette traversée. Personne n’y était jamais parvenu. Mon grand-père ne savait pas nager, ils avaient même placé une chambre à air dans son avion en cas de chute » indique Nicole
Sabbagh. Elle ajoute « Ma grand-mère a vécu la traversée de la Manche entre l’angoisse et l’espoir ». Alice était persuadée qu’une vie nouvelle s’ouvrait outre-Manche et que Louis Blériot réaliserait son rêve.
Nicole se souvient de ces moments toujours empreints d’un mélange de fierté et d’émotion lorsqu’Alice leur rappelait, des étoiles encore plein les yeux, que Louis les attendait déjà au port de Douvres. Son avion avait atterri un peu plus loin et il s’était empressé d’aller en voiture accueillir son épouse pour partager avec elle les honneurs de cette incroyable aventure. Ce jour-là, le destin de la famille Blériot a basculé.
« Ma grand-mère aimait participer aux nombreuses réceptions en l’honneur de mon grand-père. Ils ont été reçus par le Maire de Douvres, à la Chambre des Communes à Londres et un banquet fut donné au Quai d’Orsay. Elle était très coquette et aimait assortir ses chapeaux à ses robes » indique Nicole amusée, ajoutant « lui n’aimait pas ce genre de choses. Il était solitaire et elle était joviale. Ils étaient complémentaires ». Cinquante ans après, aux côtés d’Alice, Nicole participe à la commémoration de l’anniversaire de la traversée « il fallait voir avec quelle fierté elle aimait le représenter et refaire vivre son exploit. Ce devoir de mémoire continue encore aujourd’hui. En 2009, nous étions tous rassemblés à Douvres, petits-enfants et arrières petits-enfants pour célébrer ensemble le centenaire de la traversée ».
Après son glorieux vol, Louis Blériot devient un grand industriel. Alice, elle, se consacre à ses six enfants. En 1920, le couple acquiert une magnifique propriété « Le Nid » à Monaco. La famille y séjourne pendant plus de 38 ans. Nicole se souvient de ses vacances chez sa grand-mère en Principauté dans cette fabuleuse demeure. « Mon grand-père était très attaché à Monaco. Il y venait très souvent et aimait passer du temps dans son jardin, près de sa fontaine ». En 1958, Alice Blériot revend la propriété à la Société Foncière du Domaine de Roqueville à la seule condition que la fontaine soit conservée. Elle s’installe au Park Palace où elle terminera ses jours.
Il y a 20 ans, sur les conseils d’une amie, Nicole entame des recherches sur son grand-père. Elle décide de monter des conférences pour que jamais ne s’éteigne cette fabuleuse histoire de famille.
« À travers cette présentation dans les écoles ou les bibliothèques, comme j’ai pu le faire à la Médiathèque de Monaco en janvier dernier, je souhaite avant tout transmettre un exemple de volonté, d’investissement et de ténacité. Pour réussir il faut le vouloir, savoir se relever de ses échecs et surtout croire en ses rêves » indique Nicole.
Alors que Louis Blériot ouvre la voie à la conquête des airs, plus d’un demi-siècle après, un autre homme conquiert l’espace : « 60 ans après la traversée de la Manche, Neil Armstrong se pose sur la lune. En 60 ans, nous passons d’un petit bout d’avion que l’on piquait à la machine à une navette capable d’aller dans l’espace. C’est en cela que je trouve l’histoire fascinante… ».
Le saviez-vous ?
Le premier brevet de pilote
En octobre 1909, la France décide de créer le brevet de pilote et de décerner ce titre aux 16 pionniers de l’aviation. Qui obtient le brevet n°1 ? Louis Blériot ! Personne n’osant faire passer un examen à ces prodiges des airs, les brevets furent attribués par ordre alphabétique.
L’inventeur de la publicité aérienne
Vous avez sûrement déjà aperçu depuis votre transat sur la plage, un avion arborant un message publicitaire à sa suite… L’inventeur de cette communication des plus surprenantes n’est autre que le visionnaire Louis Blériot. Ces dessins servirent à déposer le brevet (11 juin 1927) de ce procédé innovant de « publicité aérienne ».