Auguste Marocco - un maître à l'Ecole Municipale d'arts décoratifs de Monaco
#77 - Février Mars 2023 - Patrimoine

Auguste Marocco - un maître à l'Ecole Municipale d'arts décoratifs de Monaco

Des rives monégasques aux berges de la Tamise, Auguste Marocco parcourt l’Europe comme il parcourt la vie, avec passion, curiosité et en exerçant son art. Cette vie est à l’image de son œuvre : fascinante, foisonnante et empreinte des différents courants qu’il a traversés. Découverte. 

 

  • Naissance d’un artiste à Monaco

Auguste Marocco est né à Monaco le 30 août 1885 « au Pont La Rousse, dans la première maison construite dans ce quartier »(1). « Son grand-père tenait les anciens moulins à huile du Vallon de la Noix »(2). La famille a également des attaches turbiasques. Ces souvenirs d’enfance vont marquer Marocco et ses toiles. « La vie rustique lui laissa tant d’impressions et de souvenirs virgiliens qui lui imprimèrent un certain mouvement et l’amour de la nature, parmi les oliviers, les pampres et les beaux cyprès de la campagne romaine » (3).

Dès le plus jeune âge, à l’école des Frères, Auguste Marocco dessine sur ses cahiers d’écolier. Présenté à Giunio Colombo, Directeur de l’école de dessin gratuite de Monaco, il devient l’un de ses premiers élèves. Brillant, il se distingue aux cours des « Arts décoratifs » de Nice et obtient un prix. Il rejoint ensuite Paris, aux côtés de son ami Marc-César Scotto (qui devient un compositeur bien célèbre en Principauté). Il y suit pendant deux ans les cours aux Beaux-Arts. Il expose au Salon des Indépendants en 1913 à Paris. Curieux et passionné, le jeune artiste voyage à travers l’Europe. Il exerce son art dans de nombreux pays comme en Belgique, au Danemark, en Grande-Bretagne et en Hollande où il y rencontre son épouse. 

  • Côté cour ou côté jardin, Marocco sublime les plus grandes représentations 
théâtrales d’Europe

Auguste Marocco se découvre une passion pour le théâtre dès son enfance lorsqu’il reçoit « en cadeau un guignol »(4). Il débute alors par la création de scènes pour les marionnettes. Puis très jeune et encore étudiant, il se voit confier de beaux projets comme les décors de théâtre pour l’Opéra de Monte-Carlo sous la direction de Visconti ou encore ceux de grandes représentations à Marseille à l’image de « La Damnation de Faust »(5). « A 14 ans, Marocco avait déjà contribué à la réalisation des décors de Messaline pour le Grand Théâtre de Bordeaux » (6). Il se spécialise pour l’art de la scène. À Londres, son talent accompagne de grandes pièces shakespeariennes au Royal Court Theater, tandis qu’à Paris il signe les décors des Folies Bergère, du théâtre Marigny, de l’Olympia ou de l’Odéon (7). Auguste Marocco participe de l’âge d’or de l’avant-garde scénique. Il fréquente le milieu artistique et notamment de grands compositeurs comme Arthur Honegger ou encore Vincenzo Davico. 

Les créations représentées à l’Opéra de Monte-Carlo connaissent un énorme succès – sa collaboration avec Georges et Ludmilla Pitoëff est remarquée, le ballet de Mme Nevelskaya, Parfums antiques, plébiscité. « M. Marocco a fait de « Parfums antiques » une véritable révélation en apportant a la présentation de ces ballets des éléments de rajeunissement et de rénovation extrêmement précieux ». (8)

 

  • Maître d’avant-garde

Auguste Marocco n’est pas seulement un créateur de décors de théâtre hors pair, c’est aussi un peintre, qui s’inscrit dans le mouvement d’avant-garde. De nombreux spécialistes s’accordent à remarquer son talent pour l’élever au rang de « maître ». En 1949, la revue Rives d’Azur met ainsi en lumière son travail artistique : « Auguste Marocco fait bien partie de cette élite dont la mission principale reste celle d’être à l’avant-garde et cela lui donne droit au titre de maître qu’affectueusement nous nous faisons un agréable devoir de lui donner » (9). L’une de ses premières grandes réalisations picturales est la « Procession de Roquebrune ( toile de 4 mètres x 2m50) et qui met en page plus de 200 personnages et un âne » (10). Exposée à Paris, elle « obtint un très grand succès ». Parmi les toiles qui l’ont rendu célèbre, quelques-unes méritent certainement un éclairage particulier comme Un Miroir aux alouettes, Le Suisse ou encore Une première Communiante.

 

  • Amoureux de sa terre natale

Malgré son amour pour la découverte, Auguste Marocco revient régulièrement se « ressourcer » sur sa terre natale. Interviewé dans la Revue Rives d’Azur en 1942, l'artiste ne tarit pas d’éloges sur son Pays : « Ici, j’y retrouve la féérie des jardins ensoleillés. Le grand écrin de « La Bleue ». Les somptueux joyaux des ors, des roses et des blancs dont se parent les châteaux et les villas incrustées dans le velours de nos montagnes arabesques qui échancrent ce ciel unique au monde… » (11)

Attaché aux traditions et au patrimoine monégasques, il s’illustre en réalisant les décors des festins en 1932 et participe la même année aux côtés de Louis Notari et Hubert Clérissi à l’écriture d’un poème en langue monégasque. Il réalise aussi le panneau du pavillon de la Principauté de Monaco à l’exposition de Paris en 1937 représentant portis Herculis (Port d’Hercule) (12). Il y obtient une médaille d’argent.

 

Cette terre propice à la création, où il y peint des œuvres singulières, est aussi un sujet artistique des plus fascinants pour Marocco. Le peintre tente de percer les secrets de son pays à coup de pinceaux. Ainsi, nombreux de ses tableaux ont pour thème commun Monaco et sa région comme Le vieux Moulin à huile à Monaco, Un portrait de Scotto, Bords de Côte et de nombreux portraits de personnalités monégasques. À plusieurs reprises, la Principauté lui a rendu hommage en organisant des rétrospectives et expositions comme en 1942 « sous le Patronage de la municipalité Louis Auréglia » ou en 1949 sous la Présidence de S.A.S. le Prince Héréditaire Rainier.

Lorsqu’il se réinstalle définitivement en Principauté, Auguste Marocco prend la succession de Giunio Colombo après sa mort. Il est alors nommé Directeur de l’École Municipale d’arts décoratifs de Monaco. En 1943, il créé en Principauté les Éditions du Livre. Dans les années cinquante, il est également membre de la Commission des Beaux-Arts et membre de la Commission Nationale pour l'Éducation, la Science et la Culture à l’Unesco. 

En avril 1961, Auguste Marocco quitte la direction de l’école mais n’abandonne pas son art. Il semblerait en effet que ce dialogue privilégié avec la peinture ne peut se tarir comme il aimait à le dire « j’ai trop à dire un tas de choses…, mais ces mots-là, je voudrais les confier à ma seule et plus intime amie : ma palette » (13).

Aujourd’hui, ses toiles subliment les murs de lieux emblématiques de la Principauté. Le grand tableau de la « Procession de Roquebrune » orne la chapelle du cimetière de Monaco, « Le Suisse de la Cathédrale » les bureaux de la Mairie : « Vous ressentirez devant ses œuvres des impressions bien différentes. Ceci expliquera parfaitement l’artiste Marocco »(14) »n

 

Sources et références bibliographiques

(1) (2) (3) (4) (6) (10) (12) Eugène Kuhnen dans son ouvrage Marocco, fils des oliviers…et peintre, 1940

(5) (7) Nice-Matin, 5 avril 1961

(8) Le Petit Parisien, 31 décembre 1928

(9) Rives d’Azur, mars 1949 

(11) (13) Rives d’Azur, Noël 1942

(14) Préface de Marcel Médecin, Conseiller National, Adjoint au Maire, délégué aux Beaux-Arts, dans le cadre de l’exposition A. Marocco de 1942

 

Journal de Monaco, 20 mai 1943

Journal de Monaco, 7 octobre 1957

Journal de Monaco, 29 juillet 1957

Journal de Monaco, 21 décembre 1953

Auguste Marocco - un maître à l'Ecole Municipale d'arts décoratifs de Monaco

Le départ. 1928, huile sur toile, IXe olympiade d'Amsterdam
Auguste Marocco - un maître à l'Ecole Municipale d'arts décoratifs de Monaco

Auguste Marocco et Kees Van Dongen en 1950
Auguste Marocco - un maître à l'Ecole Municipale d'arts décoratifs de Monaco

Etude pour Parfums Antiques. 1928, encre et pastel 11x16cm.
Auguste Marocco - un maître à l'Ecole Municipale d'arts décoratifs de Monaco

Le Dernier Barde, gouache sur papier 43x38 cm

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