Louis Canis (1891-1973) : notre passé en héritage
#74 - Juillet/Août 2022 - Patrimoine

Louis Canis (1891-1973) : notre passé en héritage

Ardent défenseur des traditions, Louis Canis lègue un travail d’érudition locale et des poésies en langue monégasque témoignages de son attachement filial à la Principauté. Redécouverte de « Notre passé ».

La poésie de l’enfance

Fils du boulanger du Rocher Alexandre Canis, le jeune Louis semble prédestiné pour la poésie. C’est dans l’établissement familial situé rue Basse que Guillaume Apollinaire, élève au Collège Saint-Charles, vient acheter ses petits pains. La famille Apollinaire réside d’ailleurs dans la Villa Canis (située à l’actuelle rue Louis Notari) entre 1891 et 1894. 

Né dans la maison familiale rue Basse, Louis Canis effectue sa scolarité à Monaco au Collège de la Visitation. Sportif, il pratique le vélo, l’escrime, la natation, le football et est membre du Club Alpin de Monaco dès sa fondation en 1911. 

Employé à la Mairie de Monaco dès 1909, il obtient sa licence en droit à Aix-en-Provence en 1915 et poursuit ses études à Paris. Il revient à Monaco pour occuper la fonction d’Attaché Principal à l’État Civil à la Mairie de Monaco en 1929. Nommé Secrétaire-Adjoint de la Mairie en 1932, il est promu Secrétaire de la Mairie de 1947 jusqu’à sa retraite en 1956. 

Ses diverses fonctions et ses passions vont le porter à œuvrer pour la sauvegarde du patrimoine culturel monégasque.

 

Du Comité des Traditions au renouveau folklorique

Le 15 octobre 1922, Canis est rapporteur de la Séance inaugurale du Comité des Traditions. Il se fait le porte-voix d’une génération. « Nous sentons tous à l’heure actuelle, l’obligation impérieuse qui incombe à la génération nouvelle d’affirmer ces traditions d’une façon sensible à tous et d’en assurer la continuité » dit Louis Canis. Le projet s’inspire des sociétés voisines : l’Academia Nissarda et le Comité des traditions mentonnaises. Trois commissions sont envisagées prenant en charge les traditions civiles, les traditions religieuses et les sites et monuments. « Une quatrième commission pourrait s’y adjoindre : la commission d’étude du dialecte monégasque ».Le Comité des Traditions locales voit le jour en 1924. Dans cet esprit de renouveau, Louis Notari, publie en 1927 A Legenda de Santa Devota, premier ouvrage écrit en langue monégasque et auquel Louis Canis apporte sa contribution.

Membre-fondateur et Secrétaire général archiviste du Comité des Traditions locales, Louis Canis participe notamment à la relance de la fête de la Saint-Jean à Monaco en 1928 et au renouveau folklorique de l’Entre-deux-guerres. Par ses fonctions à la Commission communale des Fêtes, il participe à l’organisation de la Bataille des fleurs en 1933 ou encore rédige le programme de la Quinzaine monégasque. Grande fête folkloriste en avril 1935.

 

Les écrits de L. Saint-Gilles 

Sa passion pour le passé monégasque amène Louis Canis à entreprendre des recherches historiques. En 1923, il rédige dans Le Petit Monégasque une notice biographique très fouillée sur Honoré Langlé, compositeur monégasque. En 1939, il publie un premier écrit sur le Carnaval de Monaco. Puis, la même année, il rédige des articles sur la Garde nationale, sur Sainte Dévote et sur la Bénédiction du drapeau publiés dans L’Éclaireur de Nice et du Sud-Est. Entre 1943 et 1957, il écrit régulièrement dans la revue locale Rives d’azur, d’abord sous le pseudonyme de « L. Saint-Gilles ». Sous ce nom, il publie en 1944 un premier poème en prose monégasque U Miraculu di Trei Rei.

Louis Canis témoigne de sa prédilection pour l’histoire religieuse. Il rédige un historique du Pèlerinage national au sanctuaire à Notre-Dame de Laghet publié dans le Bulletin religieux du Diocèse de Monaco en 1945 et un opuscule sur la Chapelle des Pénitents Noirs en 1954. En effet, depuis 1922, Canis est membre du Conseil d’administration de l’Archiconfrérie de la Miséricorde et se trouve en charge du patrimoine religieux de la chapelle. Par ailleurs, il est Secrétaire général du Groupe d’Études et de la Conférence de Saint-Vincent-de-Paul.

 

Notre Passé : « des trésors dans un bouquet de fleurs et de fruits »

C’est en 1963, qu’il publie son ouvrage principal Notre passé, édité par le Comité des traditions. Dans son avant-propos, Louis Canis présente son projet d’écrire « quelques pages de l’histoire de la vie populaire monégasque ». Il reprend de nombreux articles déjà publiés et rédigés dès 1939. Les thèmes varient sur le motif de l’histoire sociale locale : les rues et habitations de Monaco, la poissonnerie, la culture des orangers, les marchés, les moulins, le régime des eaux, l’hygiène, les sépultures, les costumes, les noms des professions. L’histoire religieuse (chapelles, processions, fêtes religieuses) y occupe forcement une place très importante. 

La préface de Robert Boisson, maire de Monaco et président du Comité des traditions, rend hommage au travail de collecte de son compatriote : « vous avez amassé de véritables trésors dans un bouquet de fleurs et de fruits, que pourront cueillir demain avec grand profit nos enfants et tous ceux qui s’intéressent à notre beau pays ».

A l’occasion de la Fête nationale, la Famille Princière fait l’honneur d’inaugurer, le 17 novembre 1963, le nouveau siège du Comité National des Traditions Monégasques. Louis Canis remet alors au Prince Rainier III l’exemplaire numéro I de Notre passé illustré de dessins à la plume d’Hubert Clerissi et sorti des presses de l'Imprimerie Nationale le jour même. 

Le témoignage érudit de Notre Passé reçoit également la bienveillance du Pape Paul VI à qui Louis Canis avait adressé un exemplaire. 

Il poursuit ses travaux d’érudition afin de garder le souvenir des coutumes anciennes et des Jeux d’autrefois pratiquées par les enfants du Rocher écrits en 1968 mais non publiés. Notre passé, réédité en 1999, reste une source régulièrement consultée.

 

Contes et poésies : Sciaratamu et Cavagnëtu

Membre de la Commission de la Grammaire monégasque, Canis effectue des travaux de lexicologie monégasque, notamment une étude sur les poissons comestibles des parages de Monaco d'après le classement du musée océanographique de Monaco.

En 1946, il écrit les paroles de la première chanson officielle du défilé humoristique organisé par le Roca Club : « Sciaratamu » (« Chahutons »), sur une musique d’Eugène Barral. Il participe à la renaissance du Carnaval monégasque sur le Rocher, U Sciaratu. 

Il meurt en 1973. Sa poésie perdure. En 1982, la Mairie de Monaco fait publier à titre posthume aux éditions Pastorelly ses poèmes et écrits en monégasque. Sa fille, Adrienne Canis-Gérard illustre et traduit le recueil intitulé Contes et poésies. Restent gravés dans les mémoires les contes de « A Veya-Gata » ou les poèmes inspirés comme « Se cunuscëssi a me Ninun » ou « U Cavagnëtu ». 

La préface des Contes et poésies écrite par Jean-Louis Médecin, Maire de Monaco, rappelle la contribution remarquable de Louis Canis à « Notre passé », « ce livre exquis émané d’un poète sensible et plein d’humour, issu d’une œuvre à l’image de l’homme dont tous ceux qui l’ont connu gardent le souvenir amical ».

Entre 2011 et 2017, les familles Canis-Gérard et Canis-Giraud ont versé les archives littéraires de Louis Canis à la Médiathèque de Monaco, véritables trésors d’érudition locale, amassés dans un bouquet de fleurs et de fruits… 

Louis Canis (1891-1973) : notre passé en héritage

Louis Canis, Contes et poésies, 1982
Louis Canis (1891-1973) : notre passé en héritage

Louis Canis, Eugène Barral, Sciaratamu, 1946
Louis Canis (1891-1973) : notre passé en héritage

Comité d'organisation de la Quinzaine Monégasque. Fête folkloriste, 1935. Cliché Détaille.
Louis Canis (1891-1973) : notre passé en héritage

Louis Canis, Adrienne Canis-Gérard, U Cavagnëtu, 1982.
Louis Canis (1891-1973) : notre passé en héritage

Louis Canis remettant le premier exemplaire de "Notre passé" au Prince Rainier III, 1963. Cliché Fausto Picedi.

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